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Après les nitrates, les pesticides constituent le second facteur de dégradation de la qualité des eaux souterraines wallonnes. Ils sont présents dans deux tiers des sites de contrôle. On le sait, la Belgique est une assez grande consommatrice de PPP. L'évolution des consommations était stable jusqu'en 2018, avec une légère amélioration en 2019 et 2020.

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Les dépassements des normes de concentration en produits phytopharmaceutiques dans les eaux souterraines potabilisables ont conduit les producteurs d’eau à effectuer des traitements ou à interrompre leur production dans au moins 46 sites de captages.

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Les zones les plus concernées sont celles où le type de culture et les facteurs pédologiques (liés au sol) se combinent pour augmenter le facteur de risque. Typiquement, les zones de grandes cultures avec un sous-sol drainant (sableux, quartzique, calcaire...) sont les plus menacées. Ainsi, les sables bruxelliens (Brabant wallon) et les sables des bassins Haine et Sambre (région du Centre), les crétacés du bassin du Geer (Hesbaye), les sables du thanétiens des Flandres (Tournaisis), les calcaires du Nord de la Meuse (Namur) mais aussi les calcaires et grès du Condroz sont en situation mauvaise à médiocre. 

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En 2021, 52 sites de captage d’eau souterraine nécessitent un traitement par filtration sur charbon actif, ce qui représente un volume exploité de 60 millions de m³, soit 15,8 % de la production totale annuelle d’eau de distribution en Wallonie. Pour certains distributeurs, les captages où l'on peut considérer la qualité comme insuffisante (SEQ >50) peuvent représenter jusqu'à 2/3 de la production totale.

A noter : selon l'étude Nipest (Aquawal, 2021), une trentaine de captages dont la qualité est insuffisante (SEQ <50) ne font l'objet d'aucune mesure. 

Entre 2000 et 2020, au moins 16 sites de captage ont dû être abandonnés uniquement à cause des pesticides (2,3millions de m³).

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Les substances les plus problématiques

Les résultats des analyses réalisées par les producteurs d'eau indiquent que les herbicides (d’usage agricole et non agricole) sont responsables de la majorité des problèmes de pesticides rencontrés par les producteurs d’eau de distribution. Les substances actives et leurs produits de dégradation les plus problématiques proviennent en effet d’herbicides qui sont, ou ont été, utilisés en agriculture (atrazine, bentazone…).

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La quantité et la nature des substances utilisées et se retrouvant dans les masses d'eau dépend fortement du type de culture. La fruiticulture (vergers), la pomme de terre et les betteraves sont les plus grands consommateurs de produits phytopharmaceutiques.

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Source : ISSEP, Mapping agricultural use of pesticides to enable research and environmental health actions in Belgium, 2022

Pourquoi vouloir réduire les traces de phytos dans l'eau ?
  1. lE respect des obligations européennes

La directive-cadre sur l’eau (DCE) 2000/60/CE exige que les masses d’eau de surface et souterraine conservent ou atteignent un bon état ou un bon potentiel pour fin 2015 avec un report possible de la date limite en 2021 ou 2027. 

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Les objectifs d'atteinte du bon état des  masses d'eau wallonnes fixés pour 2015 n'ont pas été atteints. Les objectifs pour 2021 prévus dans les 2èmes PGDH (plans de gestion des districts hydrographiques) de 67 % des masses d'eau en bon état chimique ne le sont pas non plus malgré des améliorations. Les 1ers et 2èmes PGDH prévoyaient notamment des mesures liées à l’assainissement telles que l’augmentation du taux d’égouttage et de collecte, l’équipement des stations d’épuration (STEP) de 2 000 à 10 000 EH en traitement tertiaire, la construction de STEP supplémentaires de 2 000 à 10 000 EH, l’augmentation du taux d’équipement en stations d’épuration autonome. Ces mesures n’ont pas été suffisantes pour atteindre les objectifs fixés, notamment en raison d'une pression forte des activités agricoles sur la qualité des eaux.

2. les coûts pour la collectivité

Le principal traitement spécifiquement utilisé pour éliminer les pesticides consiste à faire passer l’eau sur un lit de charbon actif en grain ou en poudre sur sable. Il y a actuellement 119 stations de traitement utilisant ce procédé pour traiter l’eau distribuée en Wallonie. Les autres traitements pouvant éliminer ces substances utilisent les techniques de filtration par membrane (ultrafiltration, nanofiltration). On compte 7 stations de traitement par nanofiltration en Wallonie.

 

Le coût d'un traitement systématique contre les pesticides ou les nitrates est très élevé pour la communauté. Le coût direct des installations de traitement est estimé entre 7 et 10 millions € par an en Wallonie, selon les chiffres de l'ISSEP. Ce coût est répercuté sur la facture d'eau : ce sont les consommateurs qui prennent ce coût en charge.

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Ce chiffre ne prend pas en compte une série d'éléments connexes : à titre d'exemple, un rapport du ministère de l'écologie français sorti en 2011 estimait que «le coût complet annuel de ces excédents d'agriculture et d'élevage dissous dans l'eau serait supérieur à 54 milliards d'euros (jusqu'à 91 milliards) en France». L'étude prenait en compte les coûts des aides à l'agriculture, des nettoyages des captages eau, des traitements de l'eau, du nettoyage des littoraux (...) et la consommation d'eau en bouteilles (substitution face à une qualité de l'eau jugée médiocre).

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En outre, pour contrer les effets des activités agricoles sur l’eau, les institutions déploient des contre-feux réglementaires, incitatifs ou techniques qui ont aussi un coût collectif : contrôles (en ferme et dans l’eau) dans les zones de protection, formations à la gestion de l’azote, structures de coordination, d’accompagnement ou de mise en réseau des agriculteur·rice·s, subventions à l’achat de certains matériels techniques voir rachat de parcelles prioritaires…

3. La santé publique

Les pesticides ont des effets de long terme bien documentés sur la santé. Les chercheurs ont déjà pu noter des associations entre exposition aux pesticides et cancers, maladies neurologiques, maladies respiratoires, etc. (Tago et al., 2014; Inserm, 2021; POST, 2021).

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La plupart des problèmes engendrés sur la santé ont été mis en évidence sur les agricultrices et agriculteurs eux-mêmes, ainsi que sur les riverains vivant proches des sites d'applications régulières. Les personnes vivant dans les milieux ruraux, principalement en zones de grandes cultures, peuvent être exposés de façon directe ou indirecte via les dérives de pulvérisations, même après celles-ci ou via l'érosion des sols (voir les études wallonnes propulppp ou expopesten, Kubiak et al., 2008; EFSA, 2014; Deziel et al., 2015...). 

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Récemment, l’Initiative citoyenne européenne (ICE) "Sauvons les abeilles et les agriculteurs" a publié une étude très peu flatteuse pour la Belgique : c’est là que les chercheurs ont retrouvé le plus de pesticides différents dans la poussière des chambres à coucher situées dans une zone d’agriculture intensive, soit 23 pesticides sur les 30 ici analysés. Un chiffre bien plus élevé que la moyenne de huit substances identifiées dans les 21 pays de l’Union européenne (UE) où l’enquête a eu lieu. 

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Au-delà des effets constatés molécule par molécule, plusieurs zones d'ombres existent encore dans la recherche sur les effets des pesticides sur la santé : l'effet cocktail d'une exposition à de multiples molécules est peu documenté, les effets potentiels des métabolites de pesticides eux aussi peu connus, le manque de données sur les adjuvants accompagnant les substances actives dans les formulations de PPP, etc. 

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Ces zones d'ombres font dire à certains que la seul option efficace est encore celle du principe précaution : réduire voir supprimer l'utilisation des pesticides partout où c'est possible.

Focus : phytos et santé des agriculteurs

De nombreux travaux publiés ces dernières années mettent en avant des effets retardés sur la santé, tels que des cancers mais aussi des effets neurologiques (comme la maladie de Parkinson) et des troubles de la reproduction et du développement. Un décret français, entré en vigueur le 7 mai 2012, reconnaît officiellement la maladie de Parkinson comme une maladie professionnelle agricole liée à l’usage des pesticides. La France fait office de pionnier dans l'étude et le suivi de la santé des agriculteurs.

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Parmi les études importantes de ces dernières années, l'étude AgriCan (agriculture et cancer) réalisée en France analyse la santé de 180 000 agriculteurs depuis 2005. Actualisée en 2019, elle confirme malheureusement le lien entre certains cancers (prostate, myélome et lymphome) chez les agriculteurs et l’utilisation de produits phytosanitaires. En juillet 2022, une trentaine de chercheurs de 15 pays se sont rassemblés à Caen, en France, pour partager les conclusions sur le suivi de la santé de plus 200 000 agriculteurs et croiser leurs données sur « les associations » entre l’exposition chronique à des produits et molécules chimiques et des maladies neurologiques, respiratoires, auto-immunes, allergies et cancers. Si il n'est pas possible d'expliquer la majorité des cancers, ils ont pu identifier une combinaison de facteurs déterminants, comme l'exposition à plusieurs produits de tel ou tel types en même temps.

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Malheureusement, la réglementation ne suit pas et les agriculteurs ne sont pas assez protégés ni formés. Les autorités réfléchissent molécule par molécule, sans s'intéresser aux effets cocktails. 

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